06/19/2020
 8 minutes

Montres vintage et de collection : modèle original ou Frankenwatch ?

Par Theodossios Theodoridis
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Montres vintage et de collection : modèle original ou Frankenwatch ?

Si vous êtes à la recherche d’une montre d’occasion ou vintage, vous avez évidemment envie d’acheter le modèle d’origine – et pas une contrefaçon. Bien savoir différencier les deux peut néanmoins relever du défi. Les collectionneurs qui pensent qu’un modèle d’origine se compose toujours à 100 % de pièces d’origine et qu’une contrefaçon est entièrement fabriquée à partir de pièces contrefaites seront bien obligés de revoir leur copie au fil du temps. Pour dire les choses autrement : dans l’univers des montres d’occasion et vintage, rien n’est jamais tout blanc ou tout noir, mais plutôt gris. La palette se décline d’ailleurs en plusieurs tonalités, allant du gris clair au gris foncé. Après tout, les montres vintage ont bien souvent connu plusieurs paires de mains. En tant qu’acheteur, il ne faut pas uniquement avoir l’œil affûté, mais aussi vous demander ce que vous êtes prêt à accepter ou non. Soyez sûr d’en avoir pour votre argent !

Zone gris clair

Un exemple concret : prenez une Rolex vintage ayant quitté les ateliers de production munie d’un bracelet acier, et que l’on retrouve vendue avec un bracelet cuir. Elle est même dotée d’un nouveau plexiglas – d’origine ou de qualité équivalente. De mon point de vue, nous nous situons en zone gris clair. Il paraît évident que cette montre a connu un second souffle en raison de son âge et se voit donc dotée de nouvelles pièces (remplaçant celles usées). On peut ici continuer à dire qu’il s’agit du modèle original, si tant est que le cadran, le boîtier, le calibre, etc. soient d’origine. Évidemment, les puristes ne seront pas du même avis et déploreront l’absence de bracelet métallique, même si la majeure partie de la montre demeure intacte.

Zone gris foncé à noire

Si la même Rolex vintage est équipée d’un autre cadran (par ex. plus rare) et d’un bracelet métallique qui ne sont pas authentiques et ne correspondent pas à la série ni à la période de production du modèle en particulier, on évolue alors en zone gris clair à noire. Il s’agit là d’une Frankenwatch – surnom qui tire ses origines du monstre de Frankenstein. On pourrait d’ailleurs parler d’une montre « recomposée », qui n’a pas été pensée comme telle par le fabricant ou n’a pas quitté les lignes de production sous cette forme. Dans le pire des cas, le vendeur ne dit rien des transformations opérées par rapport au modèle d’origine afin de vendre sa montre à un prix supérieur à sa valeur réelle.

Parmi les exemples les plus parlants, citons le chanteur et collectionneur de montres américain John Mayer. Il y a plusieurs années, Rolex a dû lui communiquer que sept de ses montres se composaient de pièces non authentiques. Selon les médias, il est en premier lieu question des cadrans. S’en est suivi un conflit d’envergure avec le détaillant ayant vendu les montres à Mayer – il s’agissait tout de même de montres (soi-disant) rares et chères d’une valeur totale de 656 000 dollars (pour en savoir plus sur « l’affaire John Mayer »).

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Arrêtons-nous un instant : l’état d’origine d’une montre d’occasion ou vintage influence directement sa valeur. Afin de la maximiser, certains emploient des méthodes douteuses et passent les modifications entreprises sous silence – pour notre plus grand malheur.

Mais comme évoqué plus haut, entre la montre 100 % d’origine et la Frankenwatch qui ne paye vraiment pas de mine, il y a beaucoup d’entre-deux, de nombreux points à considérer et à mettre dans la balance. Nous ne pourrons assurément pas tous les aborder dans cet article, nous nous arrêterons donc sur trois catégories pour nous permettre de mieux cerner le sujet.

Commençons par le nec plus ultra des montres d’occasion et des montres vintage :

L’état d’origine ultime : les montres NOS ou New Old Stock – les belles endormies

C’est le rêve de tout bon collectionneur de montres – et difficile de faire mieux en matière de montres vintage. Il faut s’imaginer quelqu’un qui tombe sur une montre vieille de plusieurs décennies dans son emballage d’origine, après le placement en liquidation d’une boutique d’horlogerie, d’un entrepôt ou autre. Comme placée à l’abri du temps, cette montre est restée là pendant des années sans subir aucun dommage, laissant son état d’origine intact à 100 %. Le mieux dans tout cela, c’est qu’en théorie, cette montre ne nécessitera pas de grands efforts de remise en marche – et aucun composant de remplacement. Elle n’a pour ainsi dire (presque) jamais fonctionné. Les pièces du calibre n’ont probablement subi aucune usure. Un nettoyage et un contrôle chez l’horloger suffiront à remettre la machine en marche.

Les connaisseurs parlent de montres NOS ou New Old Stock. On parle en français de « nouveau stock ancien ». Si vous êtes à la recherche d’une montre vintage dans son état d’origine optimal, c’est une NOS qu’il vous faut. Et je dois dire que partir en quête de ce genre de montres est un véritable plaisir. Essayez et vous verrez !

Bien sûr, pour espérer poser les mains sur cette montre vintage par excellence, il faut s’attendre à payer davantage et ne pas omettre de demander quelle est son histoire. Plus elle est chère et rare, et plus le vendeur devrait être en capacité de fournir tous les justificatifs possibles concernant sa trouvaille. Car l’acronyme NOS n’est pas uniquement utilisé pour les montres, mais aussi pour leurs composants, qui permettent à leur tour de construire une montre dans sa globalité. Une sorte de Frankenwatch NOS si l’on veut. Soyez à l’affût, c’est notre meilleur conseil !

Les modèles plus récents sont d’ailleurs appelés les Safe Queens. Il s’agit généralement de modèles que les collectionneurs et les professionnels ont volontairement mis sur la touche dans leur écrin afin de les revendre plus tard à prix d’or. Une combine qui se révèle particulièrement lucrative dès lors qu’un fabricant stoppe la production d’une série ou d’une référence, et que la demande augmente. Ces montres sont souvent sous emballage et livrées avec tous leurs accessoires (coffret complet).

Le cas normal : bien entretenue ou portée avec soin – mais on ne peut plus originale

Deux Omega Speedmaster Mark II vintage – un peu plus "originale" à gauche qu'à droite, photo : Zeigr
Deux Omega Speedmaster Mark II vintage – un peu plus « originale » à gauche qu’à droite, photo : Zeigr

Cette catégorie renferme la plupart des montres d’occasion et vintage que l’on trouve sur le marché. Il s’agit de montres ayant été portées pendant des années, voire des décennies, et ayant déjà probablement subi une révision ou une réparation. Changement de verre par-ci, nouveau bracelet, nouvelle boucle ou nouvelle couronne par-là, etc. Dans le meilleur des cas avec des composants d’origine. Il s’agit de modifications effectuées a posteriori sur une montre, tout à fait normales et nécessaires à la prolongation de sa durée de vie. Je pense qu’il faut savoir être raisonnable et surtout réaliste : on ne peut décemment pas attendre d’une montre vieille de 40-50 ans qu’elle ait l’air de sortir des lignes de production.

Seule exception : elle a été révisée par le fabricant ou chez un horloger spécialisé particulièrement méticuleux. Ces derniers sont évidemment en capacité de remettre la montre dans son état d’origine, qu’il s’agisse de son apparence extérieure ou du calibre. Évidemment, tout cela a un coût, qui dépend lui-même du prix de la montre.

Autre exception parmi les exceptions : le cadran. Le changement d’un ancien cadran Rolex (en tritium), entreprise par la manufacture elle-même dans le cadre d’une révision, peut par exemple faire légèrement baisser sa valeur sur le marché. Pourquoi ? Les collectionneurs ne jurent que par l’état d’origine historique. Chaque entorse à ce règlement meurtrit un peu plus le cœur du collectionneur, et ce, même lorsque le fabricant entreprend lui-même cette (soi-disant) optimisation. Pour ce groupe d’acheteurs, il est tout à fait normal – et même mieux – que le cadran ait subi une légère décoloration (Tropical Dial) ou fasse apparaître des traces d’usure (Spider Dial) et autres marqueurs temporels.

Rolex GMT-Master 6542 avec tropical dial
Rolex GMT-Master 6542 avec tropical dial
Rolex Explorer II 16550 avec Spider Dial
Rolex Explorer II 16550 avec Spider Dial

En résumé : la dénomination « état d’origine » pour une montre ne veut pas forcément dire qu’elle est comme neuve. Au contraire : certains petits défauts sont les bienvenus – et peuvent même augmenter la valeur du garde-temps.

Frankenwatches : le côté obscur de la force ?

Ce paragraphe pourrait se résumer à quelques mots : les Frankenwatches sont mauvaises par définition. Elles ne sont pas d’origine et n’apportent ainsi aucune valeur ajoutée à une collection de montres. Voilà, passons à autre chose. Mais là encore, il faut savoir faire quelques distinctions. Évidemment, ces montres ne sont plus d’origine. Le pire avec les Frankenwatches, ce sont souvent leurs propriétaires ou les vendeurs qui proposent une contrefaçon en dissimulant l’histoire de ces montres. Il existe d’ailleurs des Frankenwatches qui rappellent un peu le monstre de Frankenstein et ne sont qu’un assemblage maladroit de composants. Et puis il y a les Frankenwatches qui ressemblent beaucoup au modèle d’origine.

Glashütte Spezimatic
Glashütte Spezimatic

Citons par exemple la Glashütte Spezimatic montrée ci-dessus. Cette montre faisait partie d’un petit projet personnel (en 2009-2010) que j’ai d’ailleurs mis sur pied avec des composants de rechange disponibles à Glashütte. Concrètement : ancien calibre, nouveau boîtier, cadran de rechange, nouvelles aiguilles, nouveau verre, nouvelle couronne, nouvel axe remontoir, etc. J’imagine que ces composants de rechange étaient des rebuts de (re)production que l’on trouvait encore sur place.

Important : il s’agissait d’un projet avant tout très personnel, pour moi et non pas pour revendre la montre. Et c’est le discours que je tiens à chaque fois que je parle de cette montre ou qu’on me fait une offre. Jamais je ne dirai que cette montre est d’origine, NOS ou que sais-je encore, sans mentionner sa genèse.

Admettons cependant que je vende cette montre en toute transparence. Qui me dit que son prochain propriétaire, ou le suivant, n’enjolivera pas l’histoire de ce garde-temps ?

La démonstration est flagrante : c’est ainsi que les Frankenwatches inondent le marché et ainsi qu’elles ont hérité de leur mauvaise réputation. Et cela ne me pousse pas réellement à vendre cette Glashütte Spezimatic.

Dernière chose : il existe suffisamment de montres qui affichent l’appellation « Customized », « Mod » ou « modded » (modifiées). On peut là aussi parler de modèles spéciaux fabriqués après coup. La formulation est plus adéquate, n’est-ce pas ?

Il s’agit dans tous les cas de montres modifiées qui se distinguent de toute évidence du modèle d’origine – mais personne n’irait jusqu’à les qualifier de Frankenwatches.

Pour refaire un tour dans la collection de John Mayer, c’est par ici :

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Et pour admirer le poignet de Lenny Kravitz, c’est par-là :

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Les deux ont souhaité modifier l’esthétique d’une Rolex Daytona en profondeur. Et pourquoi pas ! Quand les choses sont annoncées clairement, je ne vois pas en quoi la modification du modèle d’origine serait problématique.

En bref : vouloir effectuer des modifications sur sa montre vintage ne représente rien de mal. Ce sont leurs propriétaires et (re)vendeurs qui veulent nous berner avec ces montres. C’est là qu’il faut se demander où se cache réellement le « fake » : est-ce la montre ou bien son propriétaire / vendeur qui agit en toute connaissance de cause ?

Ainsi s’achève notre article sur les montres d’origine et les Frankenwatches. J’espère qu’il aura éclairé toutes vos lanternes et qu’il vous aidera à déjouer les pièges.

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Theodossios Theodoridis

Theo est passionné de montres depuis les années 1980-1990, il en possède d'ailleurs une quarantaine, parmi lesquelles Omega, Sinn ou Heuer figurent. Il compile ses dernières …

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