06/07/2023
 8 minutes

Chronographes des années 1960 : des modèles populaires, aujourd’hui comme hier

Par Sebastian Swart
Heuer-2-1

Les montres-bracelets avec fonction chronographe existent depuis environ un siècle. Les modèles proposés par Longines, Breitling ou encore Universal Genève au début du XXe siècle n’étaient encore que des montres de poche améliorées, principalement utilisées dans les cockpits des avions. Des chronographes mécaniques étaient également employés pour le chronométrage des courses automobiles. Jusque dans les années 1960, les copilotes utilisaient encore couramment les horloges de bord des voitures de course pour effectuer et documenter le chronométrage lors des rallyes.

Cette décennie marque l’âge d’or des chronographes. Les calibres, les formes et les agencements de cadrans conçus à cette époque continuent d’être employés, à l’identique ou presque, dans les modèles contemporains. Les chronographes des années 1960 sont des objets de collection prisés depuis longtemps. Il existe une grande diversité de modèles, dont les prix s’étendent de quelques centaines à plusieurs millions d’euros. Outre leur design et leur qualité, la popularité de certains exemplaires ou modèles est aussi souvent liée à leur histoire.

Rolex daytona Paul Newman
Rolex daytona Paul Newman

Dans ce premier article, nous vous présentons trois des plus célèbres chronographes des années 1960 ainsi que leurs versions actuelles. D’autres articles suivront.

Heuer Autavia, des cockpits aux poignets

En plus d’être l’un des pionniers de l’horlogerie moderne, Jack Heuer, né en 1932, était également passionné de course automobile. On lui doit certains des plus célèbres modèles actuels d’Heuer dont l’Autavia, la Carrera et la Monaco. Mais les designs de ces montres légendaires sont loin d’être le seul accomplissement de Jack Heuer. En effet, c’est également lui qui a mis au point l’un des tout premiers mouvements chronographes en collaboration avec Breitling, Büren et Dubois-Dépraz. Baptisé Calibre 11, ou Chronomatic, celui-ci fut employé dans les modèles Heuer et dans les montres d’autres fabricants dès 1969.

L’histoire de l’Autavia (contraction des mots AUTomobile et AVIAtion) est des plus passionnantes, car son inventeur l’a conçue pour résoudre un problème simple. À la fin des années 1950, le jeune Jack Heuer participe à une course automobile en tant que copilote. Avec le stress de la course, il ne parvient pas à lire correctement le chronomètre de tableau de bord de la voiture, qui porte déjà le nom d’Autavia à l’époque. Sa voiture franchit finalement la ligne d’arrivée trop tard, ce qui se traduit évidemment par un mauvais classement. C’est à la suite de cet événement que Jack Heuer met au point la première montre-bracelet Autavia, référencée 2446.

Celle-ci se caractérise par son cadran de style Panda inversé avec des compteurs à 3, 6 et 9 heures. L’échelle tachymétrique située sur sa lunette permet de déterminer la vitesse et les distances. Heuer présente de nombreuses versions de l’Autavia jusque dans les années 1980. Différentes variantes de ce modèle ont été portées par des pilotes célèbres et sont désormais associées à leurs noms. Ainsi, Jochen Rindt arborait souvent la référence 2446 et Mario Andretti la référence 3646. Jo Siffert avait quant à lui adopté l’Autavia 1163T, un modèle également porté par l’acteur hollywoodien et pilote automobile amateur, Steve McQueen. L’Autavia était donc un modèle plutôt « viril », réservé aux casse-cou.

Jusqu’à l’introduction du Calibre 11 automatique, Heuer équipait ses modèles Autavia de calibres Valjoux à remontage manuel. Les exemplaires dotés du calibre Valjoux 72 (à trois compteurs) et du calibre Valjoux 92 (à deux compteurs) sont particulièrement onéreux. Les variantes GMT sont quant à elles munies du calibre Valjoux 724.

Avec leur diamètre d’environ 39 mm, les Autavia vintage sont relativement petites et exclusivement constituées d’acier inoxydable. Les références les plus prisées se vendent à prix d’or y compris de nos jours. Comptez ainsi environ 17 500 € pour vous offrir une Autavia « Jochen Rindt » (munie du calibre Valjoux 72) en bon état, environ 12 000 € pour une Autavia « Jo Siffert » 1163-T avec cadran blanc et Calibre 11 et environ 13 500 € pour une Autavia « Mario Andretti » 3646 avec un calibre Valjoux 92.

Heuer Autavia Ref. 2446 „Jochen Rindt“ mit Tachymeterskala
Heuer Autavia réf. 2446 « Jochen Rindt » avec échelle tachymétrique

La nouvelle génération d’Autavia à partir de 2017

Heuer a introduit deux nouveaux modèles de chronographes Autavia en 2017 sous la direction de Jean-Claude Biver. Tandis que leur filiation avec le modèle culte des années 1960 est évidente sur le plan esthétique, leurs caractéristiques techniques et leurs dimensions sont légèrement différentes. Ainsi, les références CBE2110 et CBE2111 mesurent 42 mm de diamètre et sont animées par le calibre de manufacture automatique Heuer 02 (tricompax) qui explique par ailleurs leur épaisseur nettement supérieure à celle de leurs homologues vintage.

Si votre poignet est suffisamment épais, vous pourrez toutefois profiter du prix relativement modérés de ces deux nouvelles références. En effet, la référence CBE2110 avec cadran noir est affichée à environ 4 500 € et l’édition limitée « Jack Heuer » avec cadran argenté et compteurs noirs à environ 5 300 €.

Neuauflage der Autavia „Jochen Rindt“ mit 12-Stunden-Lünette
Réédition de l’Autavia « Jochen Rindt » avec lunette graduée 12 heures

Consultez notre guide d’achat pour l’Heuer Autavia pour obtenir de plus amples informations sur ce modèle.

Zenith El Primero, le premier mouvement chronographe automatique

À l’instar de Heuer, Breitling, Büren et Dubois-Dépraz, la manufacture suisse Zenith a travaillé à l’élaboration d’un mouvement chronographe automatique dès le milieu des années 1960.

Et elle est effectivement parvenue à présenter son calibre, baptisé El Primero (c’est-à-dire « le premier » en espagnol), quelques mois avant qu’Heuer n’introduise le Calibre 11. Ce calibre à haute fréquence se caractérise par sa fréquence d’oscillation élevée de 36 000 alternances par heure (A/h). À titre de comparaison, le Calibre 11 d’Heuer oscillait quant à lui au rythme paisible de 19 800 A/h. Sa fréquence élevée permettait au calibre El Primero de mesurer des intervalles de temps au dixième de seconde près dès 1969.

Les modèles Zenith vintage animés par la première génération du mouvement El Primero portent les références A384, A385 et A386. Dès la fin des années 1960, Zenith fait un choix très inhabituel pour l’époque en déclinant les trois compteurs de la référence A386 dans des couleurs différentes. Ainsi, le compteur 30 minutes situé à 3 heures est bleu, le compteur 12 heures situé à 6 heures est gris foncé, tandis que la petite seconde située à 9 heures est gris clair. Une aiguille de chronographe rouge complète ce design haut en couleur. L’A386 possède un diamètre de 38 mm tout à fait classique pour l’époque.

Les références A384 et A385 présentent un boîtier en forme de tonneau et des cadrans nettement plus sobres que celui de l’A386. De couleur marron fumé, le cadran de l’A385 est rehaussé de cadrans auxiliaires blancs. L’A384 est quant à elle dotée d’un cadran de type Panda classique. Toutes trois comportent un affichage de la date à 4 h 30 qui demeure caractéristique de ce calibre de nos jours.

Vom vintage Original kaum zu unterscheiden: Zenith A384 Re-Edition
La réédition de la Zenith A384, particulièrement fidèle à l’original

L’El Primero A386 est de loin la plus onéreuse des trois, puisqu’il faut débourser plus de 20 000 € pour acquérir un exemplaire en bon état, contre 4 500 € pour une A384 et 6 000 € pour une A385.

Vintage-Variante der Zenith El Primero A386
Variante vintage de la Zenith El Primero A386

Rééditions munies d’un calibre El Primero

Zenith a réédité l’El Primero A386 sous l’appellation « Chronomaster Original » (réf. 03.3200.3600/34.C869). Comme le modèle original, elle possède un cadran multicolore et un diamètre modéré de 38 mm. Affichée à environ 8 100 €, la Chronomaster Original est par ailleurs nettement plus abordable que son illustre ancêtre. Zenith rend également hommage à l’El Primero A384 au sein de la collection Chronomaster Revival. Les dimensions et le design de la référence 03.A384.400/21 sont quasi identiques à ceux du modèle original de 1969. Elle est par ailleurs animée par le calibre El Primero 400 qui équivaut aussi au calibre classique de 1969. Son prix avoisine 7 000 €.

Rolex Cosmograph Daytona, une popularité inégalée

Le nom de Rolex Cosmograph Daytona résonne comme un coup de tonnerre aux oreilles de nombreux amateurs de montres et de chronographes. La Daytona est en effet le chronographe le plus célèbre et le plus prisé au monde – aux côtés de l’Omega Speedmaster. Et cela n’a rien de surprenant puisque cette montre est une véritable icône, même si elle a connu des débuts difficiles. La manufacture genevoise a officiellement présenté le premier modèle, référencé 6238 et simplement nommé « Cosmograph », en 1963. Les collectionneurs lui ont donné le surnom de « Pre-Daytona ». La mention « Daytona » n’est apparue qu’entre 1964 et 1965. Aussi incroyable que cela puisse paraître, cette montre spécialement conçue pour les pilotes de course était largement impopulaire à ses débuts, et Rolex aurait même envisagé d’abandonner cette collection.

Rolex Cosmograph „Pre-Daytona“ Ref. 6238
Rolex Cosmograph « Pre-Daytona » réf. 6238

Cela peut notamment s’expliquer par la commercialisation très tardive de ce chronomètre dédié aux courses automobiles. En 1963, l’Omega Speedmaster était déjà disponible depuis six ans, et l’Heuer Autavia depuis encore plus longtemps. L’absence de mouvement chronographe signé Rolex y est sans doute également pour quelque chose. En effet, les Daytona des années 1960 battaient au rythme d’un calibre Valjoux 72 et non d’un calibre de manufacture. Ce calibre était certes considéré comme haut de gamme, mais il était utilisé par de très nombreux fabricants – et n’était donc pas assez exclusif pour la marque. Rolex a équipé les références de Daytona ultérieures du calibre Zenith El Primero susmentionné jusqu’en 2000, où il fut finalement remplacé par le calibre de manufacture Rolex 4030.

Tandis que la référence 6238 dispose encore d’un cadran uni noir ou argenté, le modèle suivant, référencé 6239, arbore pour la première fois des compteurs contrastants noirs sur fond argenté ou blancs sur fond noir (panda inversé). L’échelle tachymétrique, autrefois située sur le cadran, prend par ailleurs place sur la lunette. C’est ainsi que le design caractéristique et unique de la Daytona tel que nous le connaissons aujourd’hui est né.

Rolex Cosmograph Daytona Ref. 6239
Rolex Cosmograph Daytona réf. 6239

Si cela n’a pas suffi à faire de la Daytona un best-seller, la situation a rapidement changé grâce à un certain Paul Newman. L’acteur hollywoodien possédait plusieurs modèles de Daytona, mais il a fait de la Daytona 6239 avec son cadran « Exotic Dial » singulier une véritable icône, à tel point que la Daytona « Paul Newman » est aujourd’hui célèbre dans le monde entier. Pour la petite histoire, les Daytona ornées de cadrans « Exotic Dial » n’avaient pas non plus beaucoup de succès à leurs débuts, ce qui explique le nombre relativement limité d’exemplaires en circulation. Figurant désormais parmi les montres vintage les plus prisées au monde, elles peuvent atteindre des prix astronomiques allant jusqu’à 300 000 dollars. Une somme dérisoire lorsque l’on sait que la Daytona originale de Paul Newman a été adjugée à environ 15,3 millions d’euros lors d’une vente aux enchères en 2017. Merci Paul !

Dank Paul Newman eine der begehrtesten Uhren weltweit – Rolex Daytona 6239 mit Exotic Dial
La Rolex Daytona 6239 avec cadran « Exotic Dial », l’une des montres les plus prisées au monde grâce à Paul Newman

Des Daytona pour (presque) tous les budgets

Contrairement à l’Heuer Autavia et aux montres Zenith El Primero susmentionnées, la Daytona n’a jamais quitté le catalogue de Rolex. Il en existe donc de nombreuses variantes, dont certaines sont constituées de métaux précieux ou serties de pierres précieuses. Ce modèle ayant subi très peu de modifications, toutes les Daytona sont immédiatement reconnaissables. La référence 116520 en acier inoxydable est l’une des plus populaires sur Chrono24, où un modèle d’occasion coûte environ 25 000 €. Au moment de la rédaction de cet article, le modèle le plus onéreux n’était autre qu’une Daytona Rainbow (116595RBOW) en or sertie de diamants affichée à environ 1 million d’euros. Il existe donc des Daytona pour (presque) tous les budgets et tous les goûts.

Beliebt und vergleichsweise günstig – Rolex Daytona Ref. 116520
La Rolex Daytona réf. 116520, populaire et relativement abordable

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Sebastian Swart

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