Un avis peut-il être considéré comme controverse s’il est partagé par une grande majorité de la communauté ? Suis-je l’un des seuls à ne voir aucun intérêt dans l’achat d’un garde-temps à 300 000 $ ? Soyez indulgent avec moi : cet article plutôt salé risque de ne pas plaire à ceux qui possèdent (ou convoitent) une référence de l’une des marques les plus chères de l’horlogerie. L’ensemble du marché de l’horlogerie connaissant toutefois une inflation historique, il me paraît tout aussi logique de mener une petite enquête afin de comprendre l’attrait de certains consommateurs pour ce que je considère être actuellement la pire valeur du secteur horloger, j’ai nommé Richard Mille.
Si ce nom ne vous est pas familier, Richard Mille a été fondée en 2001 par Richard Mille et Dominique Guenat dans la commune suisse de Les Breuleux. La marque indépendante a atteint la notoriété qu’on lui connaît aujourd’hui grâce à un habile mélange de R&D agressive et de marketing faisant appel à des ambassadeurs de renom. Dans les articles de type « qui porte quoi » les boîtiers en forme de tonneau et les palettes de couleurs audacieuses caractéristiques de Richard Mille se reconnaissent au premier coup d’œil. J’irais même jusqu’à dire que RM est principalement connue pour sa clientèle de célébrités, parmi lesquelles Drake, Jay-Z, Beyoncé ou encore Neymar.
Si la marque s’est attirée de nombreux admirateurs, ses détracteurs sont au moins tout aussi nombreux. Ma diatribe du jour se concentre sur les deux principaux points de discorde, à savoir son design criard ainsi que la culture des collectionneurs qu’elle est parvenue à créer.
Des finitions un peu trop visibles ?
La construction squelettée des montres Richard Mille recèle une incroyable profondeur de détails et la marque est connue pour proposer des montres aux matériaux dignes des bolides de Formule 1 ou des avions de chasse : titane, composites de carbone, céramique ou encore verre saphir. Mon avis ? Le produit final n’est pas à la hauteur du mythe.
Je ne sais pas vraiment mettre le doigt sur ce qui cloche, il s’agit peut-être de la présence trop imposante au poignet ou des matériaux et couleurs trop clinquants, mais ces montres possèdent un côté « jouet » un peu trop calculé. Les admirateurs de RM affirment apprécier la technologie de pointe de la marque mais se retrouvent, pardonnez-moi l’analogie, avec une Lamborghini fluo au lieu d’un avion au fuselage élégant.
En parlant de couleurs, pourquoi les teintes criardes sont-elles légion ? Le design de la montre se suffit à lui-même et est déjà parfaitement reconnaissable, et il faut avouer qu’il est plutôt difficile de la cacher sous une manchette – ses boîtiers atteignant souvent plus de 16 mm d’épaisseur. Il est possible que ces caractéristiques soient une affaire de goût et que ce style ne fonctionne simplement pas pour moi. En même temps, j’ai du mal à prendre au sérieux une marque lançant une collection Bonbon sur le thème des… bonbons – et j’ai surtout du mal à comprendre comment cette collection a pu se retrouver en rupture de stock avant sa sortie officielle !
Je me demande en toute honnêteté si la laideur des modèles est intentionnelle ou non. Une comparaison s’impose : il y a quelques années, la tendance des « baskets moches » a envahi le marché des chaussures de luxe et les célébrités et autres influenceurs se sont empressés de la suivre. Les défilés, les moodboards et les réseaux sociaux se sont rapidement retrouvés submergés par ces chaussures tout sauf élégante et bien trop grosses. Maintenant que cette tendance a finalement (et heureusement) commencé à reculer, je me pose vraiment des questions sur les motivations ayant poussé certaines personnes à acheter une paire de Balenciaga Triple S.
Il serait intéressant d’observer l’évolution de ces tendances très spécifiques et liées à un effet de mode sur une période de 5, 10 ou 50 ans. Franck Muller et Hublot étaient par exemple autrefois LES montres à avoir au poignet et Richard Mille pourrait bien, sans le vouloir, également suivre cette voie.
Je dois toutefois vous avouer que j’apprécie la RM 67-01 Automatic Winding Extra-Flat, que possède par exemple l’excellent acteur John Malkovich. Cette référence est élégante, discrète et très facile à lire, tout du moins pour une RM – il s’agit en quelque sorte de la montre la moins « Richard Mille » que Richard Mille fabrique, si vous voyez ce que je veux dire. Le véritable plus : son prix de 200 000 $ la place directement dans le segment des montres « abordables » de la marque.
J’ai eu un jour le privilège de prendre l’ascenseur jusqu’au dernier étage de la boutique Richard Mille de New York et j’ai pu voir de près la RM 25-01 (qui est soit dit en passant la montre de Sylvester Stallone). Cette toolwatch d’exception accueille dans un boîtier de 50 mm une boussole, un miroir, un niveau à bulles, un tourbillon et même un compartiment pour des tablettes filtrantes si vous décidez de vous aventurer en dehors de Manhattan et que vous êtes amené à boire de l’eau non potable. L’une de ces éditions limitées à 20 pièces est actuellement disponible sur Chrono24 pour un peu moins de 1 400 000 $. Si j’ai été bien entendu ravi de pouvoir observer ce mastodonte en personne, je n’ai pu m’empêcher de penser qu’une G-Shock ferait également parfaitement l’affaire.
Quelle montre acheter quand l’ensemble de votre cercle d’amis possède une Nautilus ?
Tous les passionnés de montres qui ne comprennent pas vraiment l’engouement autour de Richard Mille sont d’accord : « Quand je vois une RM au poignet de quelqu’un, je ne vois pas de personnalité, uniquement un portefeuille bien garni. » Des finances plus que correctes seraient-elles donc le secret pour apprécier la marque ?
J’ai l’impression que ces montres sont exclusivement détenues par des rappeurs, des athlètes et des milliardaires de Hong Kong. Avec tout le respect que je leur dois, il ne manquerait plus que les rappeurs se mettent à évoquer la marque dans leurs chansons ! Les athlètes feraient mieux de trouver une meilleure manière de dépenser le cachet de leurs sponsors et les milliardaires hongkongais, qui ne liront probablement jamais cet article, devraient plutôt opter pour une montre reflétant véritablement le taux de leurs impôts.
En tant que conseiller premium chez Chrono24, je ne peux m’empêcher d’être sceptique lorsque quelqu’un m’appelle pour vendre sa Richard Mille. J’aime beaucoup plaisanter avec les clients en leur disant que je l’achèterais sans problème si elle ne coûtait « que » 325 000 $, mais la réalité est que ce type de montre est réservé à une clientèle fortunée.
Fin août, le magnat du hip-hop P. Diddy a exprimé sa frustration à ce sujet sur Instagram en demandant à ses abonnés de ne pas se « faire avoir par Richard Mille ». L’artiste devenu entrepreneur a poursuivi en expliquant qu’il en possède « deux ou trois que je ne porte jamais. Elles sont moches. Je ne cherche pas à répandre la haine, je ne connais même pas Richard Mille. » À la fin de son discours, P. Diddy a même conseillé aux hommes de couleur de ne pas gaspiller leur argent et d’acheter plutôt un bien immobilier.
Un engouement teinté de danger qui n’en vaut pas la peine
Au fil de mes recherches, je suis tombé sur plusieurs articles évoquant des cambriolages à Londres, Hong Kong et Beverly Hills ayant pour butin des montres Richard Mille.
Dans le fait divers de Beverly Hills, le vol d’une RM 11-03 Flyback Chronograph par trois assaillants bien préparés s’est même soldé par quatre coups de feu et un séjour à l’hôpital. Les incidents de ce type sont heureusement rares mais entourent bien évidemment la marque d’une connotation négative.
Mon conseil : ce n’est pas parce que votre budget vous le permet que vous devez vous offrir une RM. Pourquoi ne pas prendre cette même somme d’argent pour acheter une montre tout aussi originale mais plus raffinée ? Achetez par exemple une Urwerk ou une Greubel Forsey pour vous démarquer du lot, ou tournez-vous vers l’une des nombreuses Royal Oak squelettées. Vous pouvez également suivre le conseil de P. Diddy et investir cette somme dans l’immobilier.
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Richard Mille : que se cache t-il derrière la marque hyper médiatisée ?
