05/28/2020
 4 minutes

Ce qu’il faut retenir de Watches & Wonders 2020

Par Tom Mulraney
CAM-1214-Watches&Wonders2020-Magazin-2-1

Ce qu’il faut retenir de Watches & Wonders 2020 photo: Watches & Wonders

En tant que véritable amateur de montres, vous êtes au fait des défis auxquels l’industrie horlogère de luxe est confrontée, et de cette question qui revient sans cesse : comment présenter les nouveautés au public ? Baselworld, l’un des plus anciens salons d’horlogerie et de joaillerie de luxe, est traditionnellement le lieu où de nombreuses grandes marques dévoilent leurs dernières créations, mais il a été annulé jusqu’à nouvel ordre. Cette décision intervient après l’annonce bouleversante du départ de presque toutes les marques majeures (dont Patek Philippe, Rolex, TAG Heuer, Bulgari et Hublot) et la création d’un nouveau salon dissident à Genève l’année prochaine. Si la pandémie de COVID-19 a été le principal vecteur entraînant cette décision, elle n’est pas la cause principale des déboires du Baselworld. Avec l’exode des grandes marques débuté en 2018, les chiffres du salon connaissent un véritable déclin.

Baselworld 2018
Retour sur le Baselworld 2018 photo: Baselworld

Le but de cet article n’est pas d’analyser les raisons de cette chute. Nous préférons nous concentrer sur la nouvelle approche prise par l’autre grand salon annuel de l’industrie horlogère : Watches & Wonders (ancien SIHH). Pour ceux qui l’ignorent, W&W est le forum auquel le groupe Richemont présente les nouveautés de ses différentes marques (parmi lesquelles de grands noms tels que Cartier, Vacheron Constantin, Jaeger-LeCoultre et Panerai). Ces dernières années, bon nombre de marques indépendantes haut de gamme ont également été invitées à y exposer. L’événement devait avoir lieu à Genève entre les 25 et 29 avril, mais il a été annulé fin février sous la menace grandissante de propagation du coronavirus et des restrictions qu’elle engendrait.

Plutôt que de reporter le salon à l’année prochaine, solution initialement privilégiée par le Baselworld, Watches & Wonders a proposé une alternative peut-être plus en phase avec les besoins du XXIe siècle. Le 25 avril, son portail en ligne s’ouvrait sur la présentation des nouveautés de 18 marques de montres, annonçant les nouveaux modèles de 12 autres marques à venir. Ce qui était néanmoins peut-être encore plus passionnant et fascinant pour les amateurs de montres du monde entier était la possibilité de tout voir en temps réel sans devoir attendre de lire le rapport de presse ou les commentaires sur les médias sociaux. De même, beaucoup y ont vu l’opportunité d’entendre directement les dirigeants des marques s’exprimer, une expérience ainsi plus intime à certains égards.

The W&W website as a platform for 2020's new releases
Le site Internet de W&W : une plateforme pour les sorties 2020 photo: W&W

Bien sûr, cette approche présente aussi des inconvénients. De nombreuses marques ayant été soumises à contraintes avec la pandémie de coronavirus, on s’est probablement davantage appuyé sur les rendus générés par ordinateur qu’en temps normal. Or, les montres de luxe sont des objets que l’on aime toucher. Le fait de pouvoir tenir une montre entre vos mains et l’essayer à votre poignet détermine votre perception de l’objet, un processus tellement différent que de juger une simple photo. A. Lange & Söhne en a fait les frais l’année dernière au moment de présenter son nouveau modèle Odysseus. Les gens se sont rués sur les réseaux sociaux pour la critiquer, pour finir par revenir sur leurs commentaires une fois qu’eux-mêmes ou d’autres eurent posté des photos en live de la montre et partagé leurs réactions en direct.

Plus intéressant encore, le manque de retenue. Si le monde connaît actuellement des heures particulièrement difficiles, la plupart des marques ont lancé un ou deux modèles exceptionnellement compliqués et exotiques – pour ne pas dire chers. Piaget a ouvert le bal avec une version standard de son Altiplano Ultimate Concept, la montre mécanique la plus fine au monde (seulement 2 mm). De la même façon, Vacheron Constantin a mis tout le monde d’accord avec ses modèles compliqués – et fins -, parmi lesquels, la version squelette de l’Overseas Perpetual Calendar Ultra-Thin et son unique Les Cabinotiers Grand Complication Split-Seconds Chronograph comptabilisant pas moins de 24 complications.

Piaget Altiplano Ultimate Concept, photo : Piaget
Piaget Altiplano Ultimate Concept, photo : Piaget

D’un côté, cela reflète la confiance du secteur dans une reprise économique relativement rapide – mais soyons réalistes, bon nombre de ses montres ne seront pas disponibles avant la fin de l’année quand les conditions du marché montreront (avec un peu de chance) des signes d’amélioration. De l’autre côté, cela reflète aussi les longs délais de production de l’industrie. La plupart de ces nouveaux modèles ont probablement été en phase de conception et développement pendant plusieurs mois, voire des années, avant que la pandémie ne frappe le monde, il n’aurait donc pas été possible de changer les plans. De plus, d’une certaine manière, il est bon d’avoir des distractions dans lesquelles se plonger.

D’autres marques ont choisi la sécurité, en se concentrant d’abord sur de légères améliorations à apporter à des modèles existants ou en introduisant de nouveaux matériaux de boîtier. Parmi mes favoris, la Slim d’Hermès GMT, désormais disponible en or rose pour la première fois, en assocation avec un cadran bleu. J’aime aussi le raffinement subtil de la Jaeger-LeCoultre Master Control Calendar en acier. Le design classique du cadran est conservé, mais elle affiche de petits touches contemporaines et un boîtier redessiné – rien d’exceptionnel, mais une jolie montre bien conçue.

Jaeger-LeCoultre Master Control Calendar, photo : Jaeger-LeCoultre
Jaeger-LeCoultre Master Control Calendar, photo : Jaeger-LeCoultre

Je trouve que le portail en ligne de Watches & Wonders destiné à la présentation de nouvelles montres est une riche idée. Les marques ont pu décrire leurs produits et directement suivre les performances de chacune des montres présentées. Ceci dit, je ne pense pas que cette façon de faire primera à l’avenir. Même si je peux tout à fait imaginer que cela fonctionne en parallèle de salons physiques, car pour la plupart d’entre nous, la communauté est tout aussi importante que le sont les montres. C’est tout un écosystème d’événements comprenant les marques, les revendeurs, les plateformes comme Chrono24, les blogueurs et les influenceurs sur les médias sociaux, mais le moteur de tout cela, ce sont bien les gens qui se rassemblent physiquement pour toucher le produit et en parler en personne.

Je suis peut-être vieux-jeu, mais je ne pense pas que cela change de sitôt, et je ne suis d’ailleurs pas sûr d’en avoir envie.

Lire la suite

Jaeger-LeCoultre Reverso – les deux facettes d’un grand classique

L’industrie horlogère : le bal des marques et des PDG

Salons horlogers 2020 : un calendrier bousculé


À propos de l'auteur

Tom Mulraney

J'ai grandi en Australie, où, dans les années 1980 et 1990, la communauté des amateurs de montres n'était pas très importante. Dans la ville où je vivais …

À propos de l'auteur